Aussitôt après sa résurrection, le Sauveur voulut la manifester aux hommes afin qu’ils pussent en recueillir les fruits. Il le fit par trois différentes voies.
En premier lieu, Il se servit du ministère des saints qui étaient ressuscités avec Lui. Au rapport de l’évangéliste saint Matthieu, ils sortirent de leurs tombeaux après la résurrection de Jésus-Christ, vinrent en la cité sainte et apparurent à plusieurs. Ils leur déclarèrent que ce Jésus, qui avait été crucifié, était véritablement le Messie, le Roi d’Israël, le Sauveur du monde, et que déjà Il était ressuscité. Il est à croire qu’ils se firent voir entre autres à Joseph d’Arimathie et à Nicodème, pour les consoler et les affermir dans la foi en la divinité de leur Maître.
En second lieu, Jésus envoya des anges annoncer sa résurrection aux femmes pieuses qui venaient embaumer son corps, et ils leur montrèrent que son sépulcre était vide.
En troisième lieu, non content de ces deux premiers moyens, Jésus voulut se manifester en personne à ses amis et leur découvrir l’excès de sa charité. Ainsi, bien qu’Il dût naturellement, en sortant du tombeau, monter au Ciel, qui est le séjour des corps glorifiés, Il résolut néanmoins de rester plusieurs jours sur la terre pour réunir, comme un bon Pasteur, son troupeau, pour consoler ses disciples, pour les instruire de beaucoup de choses touchant le royaume de Dieu, et pour leur apparaître dans tout l’éclat de sa gloire, afin qu’ils fussent devant les peuples les témoins irrécusables de sa résurrection.
Ô Roi de gloire, que les anges et les hommes Vous louent de cet amour excessif que Vous témoignez à vos serviteurs ! Le monde n’était pas digne de Vous posséder un seul moment après votre résurrection ; mais la même charité qui Vous a retenu près de quarante heures dans les Limbes, Vous oblige de demeurer quarante jours sur la terre, afin de la sanctifier, de l’honorer par votre présence, de prouver à tous les hommes que votre changement d’état n’a pu Vous faire changer de sentiments à leur égard, et que Vous n’oubliez point dans la prospérité ceux qui Vous ont suivi dans l’adversité.
2) Considérons que Notre-Seigneur, au sens spirituel, a également trois différentes voies pour nous découvrir ses mystères, pour nous consoler et pour nous instruire.
La première est par l’entremise des personnes de piété. Ressuscitées avec Jésus-Christ, elles connaissent par expérience sa douceur, ses grandeurs, ses perfections infinies ; et, animées d’un saint zèle, elles communiquent à d’autres leurs lumières, afin que Dieu soit connu et aimé de toutes ses créatures.
La seconde est par le ministère des anges. Ils nous éclairent intérieurement, ils nous enseignent, ils nous consolent, ils lèvent tous les obstacles qui nous empêchent de jouir pleinement des biens renfermés dans Jésus glorifié.
La troisième est par Lui-même. Il nous honore de ses visites, Il nous parle au fond du cœur, Il se fait sentir à nous comme à des disciples bien-aimés, vérifiant en nous dans cette terre d’exil ce qu’Il disait dans le discours de la Cène : Celui qui aime sera aimé de mon Père ; Je l’aimerai aussi et Je me manifesterai lui.
Ô mon Jésus, faites que je Vous aime de tout mon cœur, puisque c’est un si grand bien de Vous aimer ! Oui, vous aimez celui qui Vous aime, et Vous lui découvrez qui Vous êtes, pour l’embraser de plus en plus du feu de votre amour.
II — L’apparition de Jésus à sa très sainte Mère
1) Le Sauveur ressuscité voulut que sa première visite et sa première apparition fût à sa divine Mère. Elle était dans une extrême affliction de sa mort, et ne trouvait d’adoucissement à sa douleur que dans la vivacité de sa foi et dans la fermeté de son espérance. Dès le matin du troisième jour, elle entra dans une contemplation sublime. Par ses désirs enflammés, par les soupirs qui s’échappaient du fond de son âme, elle conjurait son Fils de hâter son retour. Comme la lionne, elle cherchait à réveiller par ses rugissements le lion de Judas endormi dans le sépulcre. Levez-vous, disait-elle avec le Psalmiste, levez-vous, ô ma gloire ; sortez glorieux de votre tombeau pour glorifier tous vos amis. Levez-vous, mon luth et ma harpe ; sortez du fourreau où vous êtes enfermés, et réjouissez par une douce harmonie les cœurs que votre mort a plongés dans la tristesse. Vous avez dit : Je me lèverai au point du jour. Paraissez donc, Soleil de justice, devancez l’aurore impuissante à nous éclairer, et dissipez par l’éclat de vos rayons l’épaisseur de nos ténèbres.
2) Pendant que la Vierge nourrissait ces désirs en son cœur, son Fils béni lui apparut tout à coup, accompagné de trois nombreuses et brillantes troupes. La première était composée d’anges, la seconde, d’âmes glorieuses, la troisième de justes ressuscités. Marie vit sans être éblouie son Jésus dans toute la splendeur de sa gloire ; car Il lui fortifia les yeux du corps et ceux de l’âme, afin qu’elle eût la satisfaction de Le contempler à loisir, et de jouir pleinement de sa divine présence. Oh ! Quelle joie, quelle allégresse, quels transports excita dans le cœur de la Mère la glorieuse visite du Fils ! Elle pouvait dire avec vérité : Je serai rassasiée quand paraîtra votre gloire. Avec quelle tendresse ils se pressèrent dans les bras l’un de l’autre ! Qu’ils s’adressèrent de douces et consolantes paroles ! La Mère baisait avec amour les plaies de son Fils, et ces blessures qui avaient été pour elle des sources de désolation profonde, se changeaient en torrents de délices ; Dieu proportionnant les consolations aux douleurs. En même temps, tous ceux de la suite du Sauveur la saluèrent ; ils la reconnurent pour la Mère de leur Dieu et de leur Libérateur, et ils la remercièrent de tout ce qu’elle avait fait et souffert pour contribuer à leur rédemption. Oh ! Quel plaisir ce fut pour elle de voir en ces âmes rachetées les fruits abondants de la Passion de son Fils ! Elle L’en félicita et s’en réjouit avec Lui, pendant que les anges célébraient ce glorieux jour par des cantiques de joie en l’honneur de Jésus et de Marie.
3) Enfin Jésus, ayant demeuré longtemps avec sa bienheureuse Mère, et l’ayant instruite des plus hauts mystères de la foi, lui assura qu’Il serait encore plusieurs jours sur la terre, et qu’Il la visiterait souvent ; puis Il la quitta, la laissant remplie d’une immense consolation qu’elle ne découvrit à personne. Car, comme cette humble et prudente Vierge ne voulut rien manifester du mystère de l’Incarnation, pas même à Joseph son époux, à qui l’ange le révéla le premier ; ainsi ne parla-t-elle point aux apôtres ni aux saintes femmes de cette visite de son Fils, avant que les anges ou Jésus lui-même ne les eussent informés de sa résurrection.
Ô Vierge sainte, quelles félicitations vous adresser en ce jour ! Nous chanterons le cantique de l’Église : Reine du ciel, réjouissez-vous, alléluia ; parce que celui que vous avez porté dans votre sein, alléluia, est ressuscité comme il l’a dit, alléluia. Priez pour nous le Seigneur, alléluia, obtenez-nous la grâce de chanter dans Sion, notre éternelle patrie, l’alléluia qui n’aura jamais de fin.